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Le yoga entre le don et l’appropriation
Friday, November 27, 2015La Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa et son Centre pour étudiants ayant un handicap (CÉH) ont fait les manchettes cette semaine après l’annulation d’un cours de yoga gratuit pour cause d’appropriation culturelle. Les réactions des Internautes ont été vives et partagées, allant de l’hilarité à l’indignation et à la solidarité.
Il ne faut pas ridiculiser ces débats, même si, pour un instant, je croyais que la nouvelle venait d’un site satirique. Les jeunes d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, font à l’Université une expérience du débat social, de la vie politique, dans un contexte de tolérance et de liberté. Tant mieux si l’on réussit encore à préserver ces conditions de la vie universitaire.
Je me demande cependant si le concept d’appropriation culturelle n’est pas trop réducteur pour capturer la complexité des formes de transferts culturels. On comprend l’idée : l’appropriation culturelle consiste dans la récupération et l’usage non-consentis de pratiques ou de symboles, par une culture dominante aux dépends d’une culture opprimée ou dominée. Ce débat dépasse bien l’Université, comme le montre la controverse au sujet du nom des « Redskins » de Washington.
Bien sûr, il existe une exploitation éhontée des symboles et pratiques culturels, incluant une industrie florissante du yoga qui ne profite en rien à ceux qui nous l’ont fait découvrir et qui le pratiquent comme un art et non comme un passe-temps. On a certes raison de critiquer cela, du moins, si l’on réussit à s’en apercevoir. Jeunes, nous écoutions le rock de Cream, des Stones et de Led Zeppelin, croyant y trouver une toute nouvelle musique. Nous ne savions combien elle devait aux musiciens de Blues des années 1930, essayant par leur musique, comme Robert Johnson ou McKinley Morganfield, d’échapper aux fermes et aux plantations du Sud.
L’appropriation culturelle, cependant peut tenir du don ou du partage. Jeune étudiant en philosophie, je me souviens encore de notre professeur Roch Bouchard qui nous avait fait découvrir la pensée du grand philosophe Indien Jiddu Krishnamuerti. Pourquoi Krishnamuerti est-il un grand philosophe? Il a produit une synthèse de la philosophie indienne qu’il a voulu et pu communiquer au monde philosophique occidental, parce qu’il avait trouvé une universalité dans la sagesse de sa culture, et il voulait la partager. Le yoga, pour lui, faisait partie de cette élévation de la conscience.
Krishnamuerti ne se souciait pas d’appropriation culturelle. Bien au contraire, c’est par générosité intellectuelle, vertu philosophique, me semble-t-il, qu’il a voulu partager sa pensée, comme d’ailleurs ses héritiers qui poursuivent l’étude et la dissémination de son œuvre. Il voulait la faire partager, car il voyait ce qu’elle pouvait offrir à l’humanité, et pas seulement aux Indiens.
Il y a ainsi des cadeaux faits à l’humanité par les peuples opprimés : le blues, le rap, le tango, le reggae, le folklore québécois et franco-canadien, la cuisine traditionnelle des peuples, l’art, l’habillement, la médecine naturelle. Le christianisme lui-même ne relève-t-il pas, du moins en partie, de l’appropriation culturelle gréco-latine d’un mouvement religieux juif au temps de l’Empire Romain? Nous discutons volontiers entre collègues de philosophie et de théologie de cette grande aventure dans l’histoire de la pensée.
L’appropriation est un signe de l’universalité; et la philosophie, qui tend vers la sagesse, en fait partie. Nous ne pourrions vivre en philosophie sans appropriation culturelle. C’est au plan de l’humanité qu’il faut penser, et non au plan de nos productions culturelles, ce qui favorise le dogmatisme et l’impérialisme culturel. Soyons toujours à l’écoute de toutes les sagesses, méditons-les, chérissons-les. Appropriation, peut-être. Mais avant rencontre, compréhension, partage et don.
*Photo courtoisie de Wikimedia Commons
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Que penser du projet de l'Université Franco-Ontarienne?
Friday, October 30, 2015Que penser du projet de l’Université Franco-Ontarienne?
Du 22 au 24 octobre, se tenait le Grand rassemblement annuel de l’AFO (Assemblée de la francophonie de l’Ontario) à Toronto. J’y étais pour représenter le CUD avec les partenaires du CUFO (Consortium des universités de la francophonie ontarienne). À l’initiative de Solange Belluz de Glendon, les membres du CUFO se sont rassemblés pour participer à un atelier portant sur l’engagement communautaire de l’Université - un de ses mandats spécifiques, en plus de la formation et de la recherche. On y a présenté nos établissements ainsi que de beaux exemples de nos efforts et réalisations en matière de relations et de développement communautaires.
Vous comprendrez que cette discussion se tient en arrière-fond des revendications en vue d’une université Franco-Ontarienne. Voilà certes une question difficile qui se pose à nous en tant qu’universitaires franco-ontariens, francophones ou francophiles d’ici et d’ailleurs, qui œuvrons dans les universités francophones et bilingues de l’Ontario. Cette nouvelle université serait-elle créée de toutes pièces, comme le furent La Cité et le Collège Boréal? Serait-elle assemblée par des parties ou programmes des autres universités de l’Ontario? Comment se répartirait le financement des universités? Pourraient-elles maintenir leurs programmes d’enseignement, leurs activités de recherche et leur service à la communauté, à côté de la nouvelle université?
Une des demandes centrales des groupes qui militent en faveur d’une université franco-ontarienne concerne la gouvernance, réclamant une université « par et pour ». Cette réclamation traduit un désir tangible d’engagement dans l’université par la communauté. Mais comment pourrait-il prendre forme? Le « pour », on comprend : une université francophone pour étudiants francophones. Mais le « par », comment doit-il se traduire? Un personnel et un corps enseignant parlant français? Une exclusivité de la langue française dans les instances de gouvernance? C’est en gros ce que nous avons présentement au CUD, d’autant plus que nous avons adopté une « politique d’aménagement linguistique » (PAL) qui fait du français la langue de travail de toutes nos instances de gouvernance.
En revanche, c’est un vieux rêve, cette université : une pétition la réclamait déjà quand j’étais étudiant à l’École Secondaire Charlebois à Ottawa, il y a plus de quarante ans de cela. Et sans doute que toutes les institutions bâties par une minorité linguistique ont commencé comme des rêves : paroisses, écoles, hôpitaux, collèges, universités et combien d’autres encore. J’admire donc les jeunes (et les moins jeunes) qui militent et continuent le combat. Mais, en même temps, quel en sera l’impact sur les établissements que nous avons maintenant : faudra-t-il sacrifier ou fragmenter de belles institutions qui ont servi leur communauté contre vents et marées depuis plus d’un siècle et demi?
Les partenaires du CUFO croient qu’ils peuvent multiplier les efforts de collaboration pour offrir à toute la communauté franco-ontarienne des programmes d’études universitaires de qualité partout en Ontario. Le CUD partage maintenant des cours en vidéoconférence avec l’Université de Sudbury et l’Université Saint-Paul. Nous allons offrir un séminaire d’études supérieures en collaboration avec le Collège universitaire Glendon. Nous entamons un projet d’arrimage de cours et de programmes avec La Cité. Ces initiatives se décuplent entre les universités et les collèges.
Dans la conjoncture actuelle, la collaboration entre les institutions postsecondaires semble plus prometteuse qu’une concurrence déréglée sur l’ensemble du territoire avec des dédoublements de programmes et de cours. Au CUD, ce me semble, nous aimerions mieux partager nos cours, en présentiel ou en ligne, avec nos partenaires de toutes les régions de l’Ontario, pour faire connaître et apprécier nos disciplines, la philosophie et la théologie.
On verra sans doute apparaître au fil des mois -et probablement des années- divers modèles de cette institution avec des scénarios de financement, de gouvernance, de programmes d’études, d’accès et de mobilités étudiantes et combien d’autres aspects de l’université d’aujourd’hui. Il nous reviendra alors d’en discuter avec sérieux et sérénité.
J’espère que ce blog ouvrira chez nous une conversation entre nos étudiants et étudiantes, nos collègues et amis, et la communauté que nous voulons servir plus et mieux (« pour ») et accueillir et intégrer dans la vie de notre Institution (« par »). Nous avons besoin d’y penser ensemble comme communauté universitaire.
NOTA : CUFO : Université de Hearst, Université de Sudbury, Université Laurentienne, Université Saint-Paul, Université d’Ottawa, Collège universitaire Glendon, Collège universitaire dominicain.
Nouvelles récentes : http://www5.tfo.org/onfr/luniversite-franco-ontarienne-prend-sa-place-da...